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Entretien avec Sahé Cibot, deuxième partie
 20 Janvier 2013, 00:00   linksky   Article

Après avoir échangé sur son parcours et son activité auprès notamment de Soundlicious et Japan Expo, nous revenons dans cette seconde partie de notre entretien avec Sahé Cibot sur des thématiques se rapprochant plus des nôtres, à savoir les idols.

Sahé Cibot


Après avoir échangé sur son parcours et son activité auprès notamment de Soundlicious et Japan Expo, nous revenons dans cette seconde partie de notre entretien avec Sahé Cibot sur des thématiques se rapprochant plus des nôtres, à savoir les idols.
Et si vous avez manqué le début de la discussion avec cette actrice importante dans la venue en France de nombreuses idols, la première partie est par là.

Abordons des thématiques plus centrées sur les idols. Pour débuter, y a-t-il des spécificités, des difficultés particulières à travailler avec des artistes catégorisées comme idols et leur management ?
Je vais parler des spécificités, car des difficultés, il y en a tout le temps, quel que soit le groupe. Chaque artiste a ses difficultés qui lui sont propres et ses avantages/inconvénients. Dans les spécificités des idols, une chose qui me fait plaisir, c’est qu’il n’y pas de backline : pas d’ampli basse, d’ampli guitare, batterie, tout ça ! Il y a juste les micros et ça, c’est pratique ! Ensuite, l’autre spécificité, c’est qu’on va de l’idol qui est toute seule au groupe où elles sont quarante-huit. C’est une particularité à laquelle on peut s’adapter ou pas. Par exemple, faire justement venir les AKB48 en payant les billets d’avion pour seize personnes, plus le management, plus les personnes qui tournent autour, cela fait un budget conséquent et du coup, ce n’est pas forcément réaliste... En tous les cas en terme de production, par nos moyens propres et sans sponsor. Faire venir une artiste solo ou un groupe de trois, c’est tout de suite un peu plus confortable. Pour citer une autre spécificité, il y a les photos dont je parlais tout à l’heure.

En fait, l’univers des idols est un milieu que je ne connaissais que très peu. D’ailleurs, pour la première que j’ai connue et que je suis allée voir en concert, je ne m’attendais pas du tout à ce que j’ai observé. Je ne sais plus quand cela se passait, vers 2002/2003 environ, c’était Megumi Amano qui était venue à cartoonist en 2001 je crois. Ayant participée en tant qu’interprète, j’avais gardé contact et l’on m’avait un jour invité à la voir en concert. Je m’attendais à un public familial en fait ! Je ne connaissais pas, j’avais vu les idols à la télévision et m’étais dit que cela devait être pareil : un public familial. Au final, ce n’était que des places assises et j’étais la seule fille dans la salle, il n’y avait que des messieurs plus âgés que moi (rires). Je me suis dit que le public des idols n’était pas du tout ce que je pensais en fait... C’était ma première découverte puis sur le plan purement musical, j’avoue qu’écouter des musiques d’idols n’était pas non plus mon genre de prédilection quand j’avais envie de musique pour moi-même. Mais comme on essaye de faire de la transcription parfois, des traductions de paroles, j’ai aussi appris à voir ce qui se cachait derrière le côté un peu foufou, à comprendre le message qu’elles essayaient de faire passer et le côté encouragement, positiver... Du coup, c’est en travaillant avec les artistes d’Up-front notamment que j’ai fait mon éducation en terme de connaissance sur les idols. Pour en revenir à la question, il n’y a pas de tant de spécificités sur le plan opérationnel que ça, à part le fait qu’il n’y ait pas de backline et qu’il faut faire attention aux photos donc.

La grande majorité des évènements autour des idols en Europe se déroulent en France, est-ce qu’il y a pour toi une raison particulière à cela ?

Kikkawa You (Japan Expo Centre)

En ce qui nous concerne, ce n’est pas que l’on ne veut pas tester d’autres pays d’Europe, c’est souvent que les idols ont un planning tellement chargé au Japon que même pour faire une date parisienne, c’est la guerre. Dans l’idéal, on aimerait faire une mini tournée avec une date par exemple en Allemagne ou en Finlande. Ou encore une date dans un autre pays que la France puis un concert à Paris voire un concert ailleurs dans le cadre d’une convention Japan Expo. Pour résumer, on aimerait dans l’idéal pouvoir faire plusieurs dates, mais dans la réalité du planning des artistes, ce n’est pas possible !
Et ce n’est pas faute d’avoir essayé. Par exemple pour Buono!, je ne sais plus exactement combien, mais ça a déjà pris beaucoup de temps jusqu’à ce que je puisse avoir simplement l’information comme quoi elles étaient disponibles le week-end du 12 février, en 2012 ! Et dès que je l’ai su, on a lancé le projet à fond, même s’il y avait les vacances de fin d’année... Plus on parle à des gens qui sont connus au Japon, plus c’est difficile de faire plusieurs dates. Après, je pense qu’un jour si la demande vient de l’extérieur, si les japonais nous disent : “Voilà, on a déjà fait un concert avec vous, ça s’est bien passé, on était content. Maintenant, on a envie de passer un peu plus de temps, on a aussi les moyens de déplacer les nombreux staffs et accompagnateurs...”, on est ouvert à ça. Par exemple You Kikkawa, même si elle n’a pas fait de date payante, elle est allée à Orléans et JE Belgium, elle est sortie du territoire français, ce qui est positif et rare pour une idole. On aimerait le faire, mais c’est vraiment une question d’opportunité.
Ou l’on pourrait peut-être avec des idols peu connues, mais c’est une autre dynamique. Cela veut dire chercher beaucoup de petites salles, avec un risque de non-remplissage, c’est vraiment une autre manière de penser ou de monter le budget, une autre offre à faire au Japon donc. Cela se pense complètement différemment selon les idols, il faut aussi voir la notoriété dans les pays visés. Par exemple, mettons que l’on parte sur une date en Allemagne dans une tournée ; on a les contacts, c’est à côté... Mais on va nous dire que même si le groupe est sympa, qu’importe le genre, il va faire 200 places et pas à plus de 15€ (toujours pour l’exemple). Billets d’avion, transports sur place... du coup pour équilibrer tu te rends compte qu’il faudrait faire le prix à Paris où il y a plus de potentiel beaucoup plus cher... Pour récapituler, cela soulève d’autres problématiques auxquelles on n’a pas été confronté jusqu’à présent. Je pense que si jamais cela doit se faire, ce sera soit avec une idol qui a un peu de temps dans son planning parce qu’elle l’aurait décidé, soit car elle est dans un creux de vague en terme de carrière (ce qui arrive à tous les artistes) ou qu’elle n’a pas encore percé ou même parce que le management aurait décidé que stratégiquement, il fallait qu’il débloque une semaine pour faire des concerts en Europe.

Dans une interview que tu avais accordée l'année passée à Paoru.fr, tu évoquais notamment le fait que le label des johnny's ne s'intéressait pas à l'étranger, qu'il y semblait très fermé. La situation a-t-elle évolué à ce sujet depuis lors, pour cette frange johnny’s ou boys band en général ?
À ce que je sais, c’est resté très fermé ! Personnellement, on m’avait dit : “les johnny's, laisse tomber. Ils ont enfin accepté de se déplacer en Asie et encore, c’est tout récent. Et puis si jamais ils acceptent de venir en France, ils vont te faire la misère sur la partie promotion parce que t’as pas le droit de faire ci, t’as pas le droit de faire ça etc.” Si je passe par une équipe Com qui n’a pas le droit de faire ce qui était évoqué dans les exemples que l’on m’avait cités, autant ne rien demander à personne. C’était de l’ordre de : si tu mets un poster pendant une dédicace ou une simple présentation, il faut les détruire par la suite... C’est incohérent, au vu du nombre de photos qui circulent, le nombre de drama téléchargés, etc., ça sort de leur zone de contrôle. À un moment, il faut lâcher la bride, mais ils n’ont pas encore compris cela... Je pense que si à un moment, il y a une prise de conscience forte par rapport à ce que l’on disait sur la K-Pop tout à l’heure, où il y a quelqu’un qui est assez haut placé, qui a assez de pouvoir et qui dit “on y va maintenant !”, ça débloquera alors des choses. Mais tant qu’il n’y a pas une voix forte de ce genre, ils vont se contenter de ce qu’ils ont déjà. Sachant qu’ils ont déjà beaucoup et ne sont pas dans le besoin de se faire connaître.
J’ai entendu parlé de certains johnny’s qui étaient un peu moins connus au Japon ou en pause en quelque sorte, qui lorgneraient vers l’étranger. Ou l’on m’a informée de certaines personnes qui s’intéressaient à l’étranger, mais plus de façon personnelle. Puis pour faire accepter le management ensuite, fallait sortir la paire de rames et ramer pendant cinq ans... Autrement dit c’est pas gagné. Je pense qu’à notre niveau, il faudrait vraiment qu’on rencontre une personne clé et que quelque chose se passe. Maintenant ce que je dis depuis qu’on me pose des questions sur les johnn’ys, c’est que si certains sont connus, jouent dans des dramas etc., il y a également d’autres groupes qui leur ressemblent, qui sont dans un concept similaire et pour nous, c’est plus facile d’approche ! On n’a pas eu d’opportunités jusque-là, il y a des projets qu’on tente et qui ne peuvent pas voir le jour parce que l’artiste est trop occupé ou qu’il quitte le management avec qui on s’entend bien, des choses comme ça... Ce sont les aléas de la vie professionnelle, mais au final, on n’a pas eu d’opportunités dans ce sens-là pour le moment. Mais le jour où l’on en aura, on le fera. Ou s’il y a des coréens qui nous sollicitent avant et qu’on arrive à trouver un accord avec un tel management d’artiste Coréen, eh bien on fera ça ! Tout ce que je souhaite à l’industrie musicale japonaise, c’est qu’ils se mettent à l’écoute de l’international. Par exemple, je lance l’idée : si par le plus grand des hasards quelqu’un lit cet article et a l’envie de lancer un groupe de johnny’s avec originalité, en leur faisant d’abord faire un concert à l’étranger... On est là ! On sait le faire, on l’a fait pour des idols féminines, on peut le faire avec des hommes. Donc à bon entendeur...

Up Up Girls

Lors de la dédicace des Buono! à Paris, il a été distribué des DVD de présentation des Up Up Girls, est-ce que cela cachait un quelconque projet de venu en France ?
C’était pour les faire connaître. Ce n’était pas de notre initiative personnelle, mais du management de Buono! qui souhaitait faire connaître ce groupe en particulier. Et c’est tout. À ce jour, aucune discussion n’a été entamée ni évoquée. Peut-être qu’ils veulent faire quelque chose avec elles à l’avenir, mais pour le moment, je ne sais pas.

Il y a souvent des membres mineures parmi les groupes d’idols, comment abordez-vous cette problématique ?
C’est toujours un sujet délicat qui relève du droit du travail en France. À titre personnel, je ne maîtrise pas le droit du travail des mineurs, c’est un point que l’on n’a pas eu l’occasion d’aborder. Comme c’est une zone de nouveauté pour nous, pour le moment j’essaye plutôt d’enfoncer le clou par rapport à ce que l’on fait déjà en terme d’idols. Après, si tout marche bien, j'essaierai peut-être de voir comment bien faire les choses par rapport aux idols qui sont mineures ...

Pour conclure, aurais-tu une petite anecdote, un ressenti à partager avec nos lecteurs concernant les concerts ou évènements « idols » que vous avez pu nous proposer ?
Des anecdotes, il y en a plein... des racontables, il y en a moins ! Bon, personnellement, je me retrouve souvent sur scène à dire : “au revoir les gens” (rires), je fais un peu le rôle de la méchante. Ce sont parfois des choses qui arrivent, qui ne sont pas planifiées. Quand je déboule sur scène quelque peu en stress, avec mon talkie qui pendouille, les cheveux en bataille et que je dis : “bon bah... c’est finis...” ; ce n’est vraiment pas quelque chose qui est calculé ! On se dit qu’il faut faire quelque chose, que cela ne s’est pas passé comme prévu ou qu’il y a eu un manque d’anticipation par rapport à ce qu’il aurait fallu faire, à savoir des annonces. Il m’est donc arrivé plusieurs fois d’aller sur scène, des fois de manière un peu maladroite et de dire : “bon bah les gens la sortie c’est par là, le merchandising, c’est par là, allez (salut) !” Je vais peut-être travailler mon discours, ou planifier des interventions un peu plus travaillées. Enfin, ce sont des anecdotes très personnelles.
Puisque vous traitez des idols, j’ai constaté ces derniers temps par rapport à ces dernières — sans en être une professionnelle, vraiment — j’ai trouvé que d’une manière générale, les idols ont plus de personnalité prise individuellement que soit l’image que j’en avais, soit ce qu’elles étaient avant ou l’image qu’elles renvoyaient auparavant ! Je trouve qu’il y a plus de caractères forts maintenant dans les idols et c’est super intéressant par rapport à ce genre-là, parce que cela veut dire qu’il y a une évolution qui est en train de se faire par rapport au “formatage” de ces artistes. Car l’idée de base est quand même un produit marketing formaté pour répondre à une demande masculine, sauf que maintenant, il y a de plus en plus de public de filles. Alors je ne sais pas où est la demande, où est l’offre et où est le hasard ; mais il y a aussi de fortes personnalités qui à mon avis, peuvent être inspirantes pour un public féminin qui va se reconnaître plus en ces filles-là que dans des filles un peu moins franches par exemple.
Une idol comme You Kikkawa, je trouve qu’elle est très intéressante dans cet aspect. C’est une pile électrique cette fille, elle court partout (rires). Alors quand on est sur le festival, qu’on est crevé et qu’elle est là à courir dans tous les sens : “donne-moi un peu d’énergie s’il te plaît” (rires). Enfin voilà, c’est le genre de personnalité que je trouve super intéressante dans le milieu des idols. Et je pense que dans les années à venir, cela va être intéressant d’observer cela aussi, de voir comment les choses évoluent. De ce que j’ai compris de ma courte expérience des idols, c’est qu’il y a des révolutions régulières : Akimoto qui lance quelque chose1, ensuite il y a eu la révolution Tsunku♂2. Puis là Akimoto refait une révolution3 et Tsunku♂ essaye de faire des choses... Du coup, c’est ce que j’appelle même s’ils ne sont que deux en quelque sorte une concurrence positive. Il y a quelqu’un qui va faire une proposition complètement nouvelle qui va changer la donne et du coup, tout le monde va se gratter la tête en disant “qu’est ce qu’on peut faire ? Tiens, on va faire pareil !” Et puis il y a des gens qui vont se dire : “bon, maintenant qu’il y a cinquante personnes qui ont fait pareil, qu’est-ce que je peux faire pour me démarquer, pour sortir du lot dans tout ça ?” Je trouve cela super intéressant à observer en fait... Ce n’est pas vraiment une anecdote, mais c’est une réflexion sur les idols.
[1] : Elle évoque ici le Onyanko Club créé par Akimoto Yasushi en 1985, qui fut le premier grand regroupement d’idols féminines. [2] : On parle ici des Morning Musume。 à la fin des années 90, avec les débuts Hello! Project. [3] : Elle aborde bien entendu les AKB48 et autres groupes “48”.

Tsunku♂ (Profil Ameba)

Akimoto Yasushi
(Profil Google+)


Finalement, l’interview prévue ne s’arrête pas en si bon chemin... Sahé rebondit alors sur les concerts de Kyary Pamyu Pamyu, pas encore annoncés à l’époque de cet entretien.

Vous avez dû voir que Kyary Pamyu Pamyu a annoncé une tournée avec une date en France et une en Belgique, nous en sommes les organisateurs. Le concert à Paris sera à La Cigale, on en est particulièrement content, c’est une belle salle. Ce sera d’ailleurs la première fois qu’on fera un concert d’artiste japonais à La Cigale, j’espère vraiment que cela va être un bon concert (nous laissons de côté les discussions sur la Belgique, le choix de la salle n’étant pas fermement établi à l’époque, ndlr). Voilà, Kyary Pamyu Pamyu, c’est encore un travail différent parce que pour le coup, c’est une chanteuse avec des danseuses, ce n’est pas que de la musique mais plutôt transverse avec la mode. Il y a aussi un côté un peu barré qui va au-delà de la musique, c’est vraiment un concept en soi. Nous voulions l’annoncer en même temps que le management de l’artiste, mais ils sont très pris et il fallait conclure avec eux les derniers points contractuels avant toute chose. Parce que si l’on annonce et qu’on se rétracte, ou que cela ne peut se faire exactement dans les conditions évoquées, c’est un peu la “loose”...

Pour les idols, les dates en Europe ne sont en général pas pleinement annoncées comme “intégrées” à la tournée japonaise, qui deviendrait internationale. Pourquoi cet état de fait alors que cela peut l’être pour des groupes comme l’Arc~en~Ciel ?

Kyary Pamyu Pamyu (Japan Expo 2012)

Je pense que pour le coup, ce sera le cas pour les concerts de Kyary Pamyu Pamyu. On se disait que ce serait bien et au final, c’est une demande qui vient directement du management qui nous a dit qu’ils aimeraient faire des dates en Europe. Je n’ai pas encore vérifié sur le site officiel, mais je pense que cela va être traité ainsi, comme une tournée mondiale incluant la date en France et en Belgique, ainsi que d’autres dates ailleurs, car je sais qu’ils sont en train de booker des dates notamment en Asie. C’est vraiment leur objectif : faire une tournée mondiale. Et puis des groupes de rock l’ont fait, alors pourquoi pas des idols ? Après, s’ils ne l’ont pas fait jusqu’à présent, je ne sais pas la raison derrière... Cela peut être double : soit ils se disent qu’en mettant ces dates de côté, ils ne communiquent pas dessus auprès des fans japonais pour que les fans locaux qui sont moins... au taquet (rires) que certains fans japonais aient plus de chances d’acheter les places.
Parce que là où il faut aussi être mesuré dans la communication au Japon même, c’est qu’on a souvent un public de fans extrêmement passionnés et prêts à les suivre au bout du monde. Pour reprendre ce que je disais à un moment sur le fait qu’on propose des évènements très ponctuels et qui durent peu, même si l’on veut “vendre des billets”, notre objectif n’est pas de vendre tous ces billets aux fans japonais qui auront payé un billet d’avion ou qui se seront saignés pour voir un concert qu’ils ont déjà vu au Japon, c’est vraiment de rendre l’artiste accessible aux fans locaux, français, européens ou pays limitrophes. Bien entendu on ne va pas refuser l’entrée à des fans japonais, ce n’est pas mon propos, mais quand on fait venir des artistes japonais idols ou autres, le but est vraiment de créer un contact avec le public local. Parce que c’est aussi enrichissant pour l’artiste : ce n’est pas le même public qu’au Japon, les gens ne fonctionnent pas pareil... Eux-mêmes ne peuvent pas communiquer en japonais la plupart du temps donc ils cherchent un autre moyen de faire communion avec le public et c’est enrichissant pour eux aussi. De notre côté, c’est cela qui nous motive.
C’est vraiment un avis personnel, ce n’est pas comme si un management me l’avait dit clairement, mais je pense que ne pas intégrer des dates européennes ou d’autres pays dans la liste de dates japonaises, je me demande s’il y a pas de ça derrière. Sinon, s’il n’y a pas ce côté, il faut aussi voir que si elles vont en France, c’est pour rencontrer les fans locaux et non pour avoir un concert déjà vu à Tōkyō avec les fans de là-bas. Même si le management et les artistes ont énormément de gratitude envers ces fans-là, il y a tellement de fans... C’est un peu comme les dédicaces, on ne peut pas rencontrer tout le monde. Lorsqu’il y a des fans japonais, je trouve ça intéressant aussi pour les Français parce que des échanges se créent. Des gestes typiquement japonais se diffusent, je trouve cela rigolo. Mais je pense que si jamais on faisait un concert d’idol japonaise et que je constatais que dans la salle, il n’y a que des fans japonais, je serais perplexe. Je me dirais “à quoi bon ?”, que j’ai raté quelque chose et serais triste pour les fans français ou européens. À titre personnel, je préfère faire mon travail comme ça.

Cela me rappelle la venue des PASSPO☆ à Japan Expo, il y avait eu un petit problème avec les fans japonais sur une séance de dédicace. Le staff l’avait fait arrêter alors qu’elle venait à peine de débuter, simplement parce que le fan club japonais n’en avait pas été informé...

PASSPO☆ (JapanExpo 2011)

C’est vraiment très délicat la thématique des fans. Personnellement, cela m’est arrivé sur d’autres concerts et artistes qu’on me dise : “ah non, faut pas faire ça parce sinon on va se faire huer par les fans, haïr par les fans. Et c’est quand même eux qui nous permettent de vivre donc voilà, on doit faire attention”. C’est particulièrement sensible comme thématique, car il faut ménager la chèvre et le chou comme on dit. Pour citer un exemple, je crois que c’était pour un CD ... je voulais faire un truc spécial, coffret, etc. comme j’avais fait pour MUCC. Je ne voulais pas faire une copie du CD japonais, je souhaitais mettre du bonus. Je leur avais dit qu’en France, c’est bien s’il y a donc du bonus quand on sort un CD, même s’ils avaient alors une approche différente au Japon. Maintenant ils en font de plus en plus : quand ils sortent trois versions du même single avec des bonus différents, on s’en rapproche quelque peu ... Mais à l’époque on m’avait dit : “Ah non, il ne faut pas faire quelque chose de trop bien, ou de beaucoup mieux que ce que l’on fait nous en tout cas, car sinon, les fans japonais ne vont pas être content !” Cela m’avait scotché. Ils te demandent de faire un projet moyen, de rendre un produit moyen, pour ne pas fâcher les fans ...
D’ailleurs il y a aussi des problématiques dans cet ordre d’idée avec des fans français. J’avais discuté avec un extrémiste justement, qui ne voulait acheter que des produits japonais. Pourquoi m’embêter dans ce cas ? Achète donc des produits japonais ! Et puis finalement il m’avais acheté mon super coffret de MUCC parce que je lui avais expliqué pourquoi j’avais fait ça. Je lui avais par exemple demandé s’il pouvait lire les paroles en japonais. Alors qu’il tentait de répondre vaguement positivement, je lui ai demandé s’il pouvait comprendre les paroles en japonais. Il m’avait alors acheté le coffret. Après, c’est quand même un gros travail de faire de la transcription et surtout de la traduction, du coup on ne le fait pas toujours. En fait je m’étais dit, à choisir entre la traduction et la transcription, je choisis la transcription. Parce que comme ça, les fans peuvent chanter en concert et cela impressionne les artistes à chaque fois : “ils savent chanter en japonais”. Et ils le disent en interview tel quel d’ailleurs. Puis quand ils rentrent au Japon, ils disent: “en fait, les Français parlent japonais”.

C’est ainsi que s’achève cet entretien. Nous tenons tout particulièrement à remercier Sahé Cibot pour nous avoir accordé autant de temps ainsi que pour nous avoir accueilli dans les locaux de Soundlicious dans ce but.

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